Le marché des tests de paternité est en pleine expansion sur internet, malgré le fait qu’en France, la réglementation reste très contraignante, et autorisée que dans le cadre de procédures judiciaires.
Les tests de paternité sont propices à justifier les soupçons d’infidélité, à aviver les querelles autour des pensions alimentaires ou des héritages… et à chercher la réponse à ses doutes dans l’ADN.
Pour Jean-Jacques Cassiman, directeur du Centre de génétique humaine de l’université de Louvain (Belgique), les conséquences de cet accès croissant à la vérité biologique risquent bien d’être aux antipodes de “la paix de l’esprit” et de “la fin des troubles émotionnels” promis par certaines entreprises commerciales. “Si problème il y a, le recours aux tests ADN ne fera que le déplacer, voire l’amplifier”, affirme ce chercheur de réputation internationale, qui se dit “résolument contre” la banalisation sans contrôle de cette pratique.
En revanche, Sophie Marinopoulos, psychologue et psychanalyste à la maternité du CHU de Nantes, craint, elle, que le lien biologique, dans le futur, soit au contraire de plus en plus valorisé. “Dans une société anxiogène comme la nôtre, qui ne sait plus très bien définir ce qu’est la famille, il peut être tentant de chercher son identité à travers son ADN, remarque-t-elle. Le problème, c’est que ce n’est pas l’appartenance biologique qui fait la filiation…”
Président du Comité consultatif national d’éthique, le docteur Didier Sicard redoute lui aussi que l’accès libre à ces tests ne survalorise la paternité biologique. “La paternité sociale a pour avantage d’être complexe, ouverte, multiple, de permettre à la société de faire “comme si”, et de contourner la réalité humaine dans ce qu’elle a de plus trivial”, estime-t-il. “Si le recours à ces tests se banalise, la filiation biologique risque de prendre une importance démesurée. Alors qu’elle est parfois tellement pauvre, dans les faits, par rapport à la filiation sociale…”
En cas de conflit entre plusieurs “pères”, lequel alors l’emportera sur l’autre ? Celui qui a conçu l’enfant ? Ou celui qui a créé des liens sociaux avec lui et participé à son éducation ? Et quels garde-fous imaginer, pour éviter de livrer cette question au seul marché Internet ? Dans ce domaine, le droit aura sans aucun doute un rôle majeur à jouer. Saura-t-il, à l’échelle nationale ou internationale, renforcer la filiation sociale, afin de protéger les intérêts de l’enfant ?
“En cas de séparation et de garde de l’enfant, le recours possible aux tests de paternité, par son existence même, pourrait légitimer les pères dans leurs sentiments et dans leurs droits. Le test de paternité, c’est comme un accès direct à l’enfant, qui ne passerait plus par le regard de la mère”, résume Eric Verdier, psychologue à la Ligue française pour la santé mentale.
A cela près que ce test, demain, pourra également se faire in utero. Grâce à la présence des cellules foetales circulant dans le sang maternel, on pourra bientôt l’effectuer avant le troisième mois de gestation. Verrons-nous alors des mères choisir de garder ou non leur bébé selon le père que désignera le test ?